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 Pour que la crise soit féconde par Jean-François Malherbe

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MessageSujet: Pour que la crise soit féconde par Jean-François Malherbe   Pour que la crise soit féconde par Jean-François Malherbe Icon_minitimeMar 23 Oct - 17:34

I DE II

Pour que la crise soit féconde
Jean Françopis Malherbe


Qu'est-ce que la médecine ? L'art de prévenir et de soigner les maladies de l'homme, répond le Petit Robert. Mais qu'est-ce qu'une maladie ? C'est, toujours selon ce dictionnaire, une altération organique ou fonctionnelle considérée dans son évolution, et comme une entité définissable. Comme toujours dans les dictionnaires, on reste prisonnier de la clôture du langage. Pour en sortir, il est un moyen radical : en revenir à la perception subjective de la maladie.

Et, pour le sujet, la maladie n'est-elle pas le plus souvent vécue comme une crise ? N'est-elle pas même parfois une réponse à une crise ? Il est hors de question de vouloir définir ici la crise dans tous ses aspects économiques, sociaux, symboliques et psychologiques, mais je voudrais tenter d'en élucider le concept, afin qu'il éclaire, lui aussi, une des nombreuses facettes de ce que nous appelons « maladie ». Il s'agira moins de définir la crise que de disposer quelques phrases pour éclairer la question.

Je parle d'une crise d'asthme, d'une crise d'appendicite, d'une crise de foie ou d'une crise de larmes pour désigner quelque chose qui est trop fort pour moi et que je ne peux affronter avec mes moyens habituels.

Généralement, je ne pleure pas, mais il arrive que je pleure quand le choc émotionnel est trop fort pour mes possibilités habituelles, ordinaires. Dans un autre registre, on parle d'une crise économique ou d'une crise générale.

On dit souvent que notre époque est une époque de crise. Qu'est-ce que cela veut dire ?
II y a un lien très étroit entre la société et l'individu dans cette question. Du point de vue social, par exemple, on dira que le chômage, l'inflation, la dévaluation et tous les autres phénomènes que nous connaissons, sont les signes que notre société est en crise dans son organisation, dans ses buts et dans ses moyens. Chaque fois qu'il y a crise surgit une question touchant au sens et à l'espérance, ou à l'absurde et à la désespérance. Dans la société actuelle, il y a un réel effondrement du sens et donc une réelle crise. Nous n'y pouvons sans doute pas grand-chose, mais il peut dépendre de nous que la crise soit une occasion de changement.

Nous ne savons plus à quel saint nous vouer face aux risques qui se profilent à l'horizon. Nous ne savons plus quel langage tenir sur ce qui fait notre vie. C'est là, pour moi, la véritable question : comment vivre dans cette culture où il n'y a pas moyen de tenir un langage qui nous dise à nous-mêmes (et aux autres) la vérité de ce que nous devenons ? C'est dans ce contexte culturel, qui nous conduit à une certaine désespérance, que surviennent les crises personnelles. Bien entendu, quand on rencontre quelqu'un qui est « en crise », il s'agit le plus souvent de crises personnelles, mais celles-ci ne prennent leur sens véritable et profond que dans le contexte d'un effondrement général du sens de notre société.

En quoi consiste la crise pour l'individu ? Pour un individu, être en crise, c'est perdre ou avoir peur de perdre l'objet dans lequel il investit tout le sens de sa vie. L'absence de cet objet fait que la vie n'a plus de sens. Cet objet peut être un métier, un amour, un enfant, une image de soi, une réputation... Ce peut être tout ou n'importe quoi, mais pour la personne qui s'est investie dans cet objet, celui-ci est précisément tout et pas n'importe quoi. Une crise est une situation dramatique dans laquelle le sens est radicalement mis en cause ou absent.

*La crise du récit*

Mon intention n'est pas de dire quel est le sens de la vie. Croire pouvoir dire aux autres quel est le sens de leur vie, alors que c'est à chacun qu'il revient de l'inventer, serait en effet une des pires choses qui puissent arriver à un philosophe. Comment pourrait-il prétendre parler du sens de la vie, alors qu'il aurait peine à balbutier quelques mots sensés sur sa propre vie ? Mais il incombe peut-être au philosophe de tenter de décrire la façon dont se construit le sens de la vie.

Dans cette perspective, il est intéressant de réfléchir à la parole. En effet, quand on rencontre quelqu'un qui est « en crise », c'est généralement quelqu'un qui raconte, ou quelqu'un qui ne dit rien (mais alors c'est son silence qui devient éloquent), ou encore quelqu'un qui voudrait dire qui il est mais ne le sait plus, quelqu'un qui se trouve dans l'impossibilité de raconter sa vie avec un minimum de cohérence. Il ne se sent plus capable de dire pour quoi ni pourquoi il vit (il s'agit là de la crise radicale, bien entendu). Et pourtant, c'est quand on raconte sa vie que la vie prend un sens, que le sens en émerge ; c'est quand on fait le récit de sa vie, le récit de sa difficulté à un ami, à soi-même ou à un « spécialiste » que le sens peut surgir. Mais pour qu'il puisse (re-)surgir, il faut d'abord reconnaître clairement qu'il est absent.

Faire le récit de sa vie lui donne un sens. Mais qu'est-ce que le récit ? Ce n'est pas ce qui est récité, mais ce qui est raconté. Et raconter n'est pas fabuler. On ne raconte pas n'importe quoi quand on raconte sa vie. Et on ne la raconte pas n'importe comment, même si on ne la raconte jamais deux fois de suite de la même façon. Il est d'ailleurs impossible de la raconter deux fois de la même manière.
Il est indispensable de raconter sa vie, parce que la vie est faite d'événements qui se succèdent et n'ont pas toujours de liens très clairs entre eux. Cette succession d'événements vécus par une même personne demande un principe d'unité. Raconter sa vie permet d'unifier la dispersion de nos rencontres, la multiplicité disparate des événements que nous vivons.
Raconter sa vie est un véritable travail : c'est accoucher de soi-même.
C'est mettre de l'ordre en soi, tenter de dire qui l'on est en disant qui l'on a été et qui l'on voudrait être. C'est mettre en perspective des événements qui paraissent accidentels. C'est distinguer dans son passé l'essentiel de l'accessoire. C'est repérer des points fixes.
Raconter sa vie permet de souligner des moments plus importants et aussi de minimiser d'autres événements. On peut, en effet, mettre plus ou moins de temps à raconter un événement qu'à le vivre. Pour raconter, il faut choisir ce que l'on veut mettre en évidence et ce que l'on veut mettre entre parenthèses.
Le récit crée une intelligibilité, donne un sens à ce que l'on fait.
Raconter, c'est mettre un peu d'ordre dans le désordre.
Raconter sa vie, c'est un événement de la vie, c'est la vie qui se raconte elle-même pour se comprendre elle-même.
La crise survient quand cette opération est devenue difficile, voire impossible.

Mais quand on raconte sa vie, on ne raconte pas n'importe quoi. Quand j'étais enfant, on m'a raconté ma vie à moi. Mes parents ont commencé le récit de ma vie pour moi et ils m'ont inséré dans leur récit à eux. Ma vie a pris conscience d'elle-même à l'intérieur d'autres récits déjà enchevêtrés les uns dans les autres. Je ne raconte pas mon histoire tout seul : dans mon
histoire que je vous raconte, il y a aussi l'histoire des autres. Lorsque nous voyons le jour, nous sommes déjà sertis, comme une pierre précieuse, dans l'or du récit social que d'autres ont développé avant notre arrivée.

Notre existence est tissée de paroles. Et dans notre patrimoine, il n'y a pas que de la génétique et des circonstances plus ou moins favorables, il y a aussi de la parole. Nous naissons biologiquement. Et nous naissons langagièrement. Et notre vie durant, nous sommes porteurs de ces patrimoines biologique et langagier qui nous donnent nos chances dans la vie, pour le meilleur et pour le pire. Aujourd'hui, nous n'avons guère de possibilité d'agir sur la partie génétique de notre patrimoine.

En revanche, nous pouvons nous approprier le récit qui nous porte, l'infléchir et parfois même le remodeler lorsque nous entreprenons un travail sur nous-mêmes qui vise à nous libérer des traditions orales qui nous ont vus naître et qui ont pétri l'image que nous nous faisons de ce que les autres attendent de nous. Mais cette appropriation personnelle de notre propre histoire ne peut se faire dans la routine d'une vie conforme aux attentes qui sont les nôtres comme à celles d'autrui. C'est du moins le plus souvent en situation de crise que se présentent à nous les plus fortes occasions de nous dégager des déterminations qui pèsent sur nous et de nous engager en direction de notre identité véritable. Ce n'est pas la routine, mais l'inespéré, l'inattendu, le déroutant qui nous ouvrent à notre propre vérité.

Notre récit est donc enchevêtré dans celui des autres. C'est ici que se noue le lien entre l'effondrement du sens dans notre société et la crise personnelle quand elle survient. Nous avons, dans notre récit, des évidences communes que nous partageons avec d'autres. Ainsi, dans une même famille, il y a des parties communes aux récits de ses membres. Et il en va de même dans une longue amitié. Quand on a éduqué un enfant, le récit de l'enfant et celui de son éducateur comportent une partie commune que chacun racontera à sa manière (en omettant par exemple certaines choses et en insistant sur d'autres), mais qui n'en est pas moins authentiquement partagée.

La crise est toujours une crise du sens, parce qu'elle pose les questions :
à quoi suis-je fidèle ? De quoi suis-je occupé à me détacher ? Comment suis-je en train de me comprendre à nouveau moi-même ? Si l'on invente une histoire que l'on raconte à des enfants, on ne sait pas toujours comment on va la continuer. On est tenu, cependant, si l'on ne veut pas mécontenter les enfants, de continuer l'histoire déjà commencée. On inventera donc une suite de jour en jour, mais en restant cohérent avec ce qu'on a dit auparavant.
C'est ce qu'on pourrait appeler la fidélité créatrice.

Mais la fidélité à soi-même n'est pas donnée d'emblée. Raconter l'histoire de sa vie, c'est tout autre chose que raconter une histoire à des enfants.
Le suspense et les anecdotes ne sont plus de mise. Ce qui est en jeu, c'est le risque de se faire illusion à soi-même, de se raconter inconsciemment une histoire qui n'est pas vraiment la sienne. Mon histoire n'est écrite nulle part ailleurs que dans le récit que j'en fais ; et cependant, si j'entends qu'elle soit l'histoire vraie de moi-même, elle doit être conforme à ma destinée secrète. Comment donc raconter en vérité l'histoire de sa vie ?

C'est une question redoutable, car elle conduit droit au cœur des terreurs les plus enfouies et des espoirs les plus cachés. Il n'y a de récit vrai de ma vie que dans le récit qui se donne à interpréter à l'oreille d'un autre qui sache me désarçonner de mes propres illusions en écoutant, au travers des mots de l'histoire, la souffrance secrète qui l'habite et qui, par la vertu de son oreille, pratique en moi cette brèche par laquelle je serai délivré, petit à petit, de mes illusions les plus tenaces. Finalement, cette délivrance sera accomplie quand il s'avérera qu'elle est elle-même illusoire et que la seule chose qui compte, en définitive, c'est le mouvement du récit à la recherche de sa propre vérité.

Ce sont d'ailleurs les impasses du récit, ses blocages, ses redites qui constitueront pour l'oreille attentive les repères les moins fragiles de l'itinéraire qui tente de venir au jour par le truchement de ces mots qui, en vérité, disent à la fois plus et moins que ce qu'ils disent en apparence.

Mais, dans le récit d'une vie, il y a des choses fixes, importantes, et d'autres qui sont mobiles. Il faut donc distinguer deux niveaux de crise :

les crises de surface qui sont une simple difficulté de poursuivre le récit, mais non une impossibilité de raconter, et les crises radicales qui surviennent quand il n'est plus possible de poursuivre l'histoire antérieure sans opérer de très profonds renversements. Une redistribution des rôles peut alors s'imposer, et un nouvel acteur surgir. Cette redistribution des rôles ne change rien aux chapitres précédents, car on n'écrit pas sa vie au brouillon mais directement au net. Mais il peut arriver qu'elle modifie radicalement le sens des chapitres précédents. Il faut parfois relire autrement son passé pour pouvoir affronter l'avenir de façon créative. Ce sont les crises les plus profondes. Je pense que les psychologues et les psychiatres ne me contrediront pas. Une psychothérapie consiste d'ailleurs à raconter et à inventer (créer et trouver) une harmonie nouvelle qui remette en place une série de fragments qui sont défaits et déjetés çà et là.
suite et fin dans réponse
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MessageSujet: Re: Pour que la crise soit féconde par Jean-François Malherbe   Pour que la crise soit féconde par Jean-François Malherbe Icon_minitimeMar 23 Oct - 17:36

Pour que la crise soit féconde
Jean François Malherbe


suite et fin


*La créativité du deuil*

Pour surmonter une crise, il faut pouvoir transgresser la logique des chapitres précédents de l'histoire, être capable d'un renversement de situation. Ainsi, par exemple, si l'on cherche la logique de l'histoire au fur et à mesure qu'on lit un roman policier (sans jamais sauter à la dernière page pour savoir la fin de l'histoire avant de l'avoir parcourue entièrement), on fait des hypothèses sur le coupable. Mais subitement, de temps à autre, surviennent des éléments qui bouleversent complètement toutes les hypothèses en cours. Que faire sinon le deuil des anciennes hypothèses ?

Il n'y a pas d'autre issue que de reconnaître qu'on s'est fourvoyé et de chercher un nouveau schéma d'interprétation des données connues. Si le livre est bien fait, ce type de réajustement sera nécessaire jusqu'à la dernière page. Se défaire de l'ancienne intelligibilité est pénible, car c'est se séparer de quelque chose qu'on a soi-même construit. C'est cependant la seule issue créative possible.

On peut être dérouté dans sa propre vie, mais aussi dérouter ceux à qui on la raconte. C'est ce qui se passe pour la personne dont on dit parfois qu'elle « refait sa vie ». La crise est donc une situation où mon identité personnelle profonde est en jeu : je me demande qui je suis au juste, je ne le sais plus très bien et j'ai à me (ré-)inventer en tâchant d'éviter les ornières du récit dont j'ai à me départir, parce qu'il m'enferme dans une fallacieuse intelligibilité de la réalité. Ce qui est habileté de l'écrivain pour le plaisir du lecteur dans le cas du roman policier est enjeu vital pour celui qui tente d'être fidèle à ce qu'il devient. Et l'enjeu vital, c'est toujours la mort, car la mort est liée inexorablement au changement. C'est d'ailleurs pourquoi la crise est une occasion de changement.

Tout change. Déjà les vieux philosophes grecs disaient que tout passe, tout coule, tout change. Le temps passe, nous allons tous vers la mort, tandis que d'autres vies surgissent. Certes, un changement perpétuel s'opère naturellement dans le cours des choses : les saisons se succèdent, la vie intérieure évolue, les relations avec autrui se modifient. Mais le changement le plus radical survient dans la parole échangée avec autrui qui, seul, peut m'empêcher de pratiquer à l'égard du changement la politique de l'autruche qui me maintient dans l'illusion de la stabilité. Tout change, et je résiste au changement parce que secrètement il implique la mort. Le temps qui passe m'entraîne à la mort et, dans ces conditions, je n'ai pas envie de voir où je vais.

Le changement suscite de multiples résistances. Il y a des résistances à l'intérieur de nous, car nous avons peur de savoir qui nous sommes en vérité. Mais il y a aussi des résistances très fortes autour de nous. Tout se passe comme s'il fallait copier des modèles, c'est-à-dire, précisément, ne pas changer, mais reproduire des stéréotypes, répéter des situations bloquées et bloquantes. Les stratégies de résistance sont multiples : ce peut être également d'imputer la crise à la situation sociale ou à autrui, se déchargeant ainsi sur des boucs émissaires de la véritable question qu'on est pour soi-même. Ce sont les crises mort-nées, celles qui avortent parce que tout est disposé autour de ceux qui les vivent pour qu'elles soient déniées et ne viennent pas au langage. Réprimer les crises successives que comporte inévitablement une existence humaine, c'est la précipiter vers une mort plus terrible que la mort, c'est la faire mourir avant même que de la laisser naître.

Il faut bien reconnaître d'ailleurs que la médecine, lorsqu'elle se cantonne dans l'ingénierie biomédicale, risque de se réduire à une pratique de normalisation des déviances sociales. Elle peut alors apparaître comme une instance destinée à refouler l'interrogation fondamentale de l'être humain affronté à la question de la vérité de son existence. Vouloir à tout prix mettre au jour la cause organique d'un malaise « métaphysique » est une attitude qui, pour n'être sans doute ni délibérée ni même consciente, n'en est pas moins meurtrière. On touche ici à une nouvelle figure de la contradiction médicale : la médecine refoule en nous la question que la maladie nous pose avec le plus d'acuité en nous donnant le pouvoir de nous transformer nous-mêmes.

Il y a donc des stratégies à inventer pour déjouer les résistances soulevées par la perspective du changement et faire d'une crise un événement vivifiant plutôt qu'un processus mortifère.

*L'occasion de changement*

Quelles conditions devraient être remplies pour qu'une crise soit une occasion de changement ? En son principe, la réponse est simple : il faut que la crise vienne au langage. Il y a des crises stériles et des crises fécondes. Il y a des crises subies et des crises assumées. Il y a des crises réprimées, passées sous silence, et des crises qui viennent au langage et qui, de ce fait, sont parfois surmontées.

Pour qu'une crise puisse ouvrir vers un changement, pour qu'une maladie puisse devenir une expérience positive, il faut que j'arrive, avec l'aide du médecin ou d'autres personnes, à trouver en moi-même la force de la vaincre.
La première condition est donc d'avoir encore un mécanisme de défense pour pouvoir exercer une créativité fidèle. La fidélité, c'est continuer l'histoire ; la créativité, c'est inventer la suite. Pour surmonter sa crise, il faut être capable de penser à soi-même comme à quelqu'un qui est capable d'inventer un jour une suite à sa propre histoire, quels que soient les blocages qui apparaissent maintenant dans le récit.

Mais on ne raconte pas une histoire à des murs, on la raconte à quelqu'un.
Et la condition la plus essentielle pour qu'une crise soit une occasion de changement, c'est précisément que quelqu'un soit là pour écouter l'autre qui est en crise et qui tente de se raconter, quelqu'un qui l'écoute sans banaliser, sans juger, attentif à saisir avec lui le sens de sa propre histoire.

La troisième condition pour qu'une crise soit une occasion de changement est que l'on puisse relire son passé de façon à réouvrir l'avenir. Et cela implique bien entendu que l'on reconnaisse la crise pour ce qu'elle est et que l'on ne se laisse pas entraîner à suivre la politique de l'autruche. Il s'agit de reconnaître que quelque chose a été perdu irrémédiablement et que cela ne peut plus être désormais qu'un souvenir. Il s'agit, en quelque sorte, de faire son deuil d'une flatteuse mais fallacieuse image de soi-même. Cela ne veut pas dire qu'il faut être brutal avec soi-même, mais lucide ; car si l'on n'est pas clairement conscient qu'on est en crise, comment pourrait-on en sortir ?

La crise est un moment dramatique : un moment de jugement, de réévaluation des enjeux de la vie, de restructuration de la hiérarchie des valeurs. C'est un moment « critique » au sens étymologique du mot, c'est-à-dire un moment de discernement. Et celui, médecin, psychologue ou simple « semblable », qui est témoin attentif de la crise peut dédramatiser sans banaliser : il ne s'agit pas d'expliquer en quel point exactement l'être en crise se trouve telle ou telle courbe de Gauss, mais bien plutôt de lui proposer l'hypothèse et la conviction qu'il y a assez de points d'appui à l'intérieur de lui-même et de ressources inexplorées dans les chapitres précédents de son histoire pour qu'il soit raisonnable d'imaginer une suite positive.

Personne n'a jamais fini de changer et personne n'est jamais à l'abri d'une crise. La dernière crise, c'est la mort. Et ce sont les réactions aux crises qui font les grandes étapes de la vie, qui préparent à être solide ou fragile, à être disponible ou réfractaire au jour de la mort.
La crise ne sera occasion de changement que si l'on est déjà de plain-pied dans le changement et la créativité. Écouter l'autre en crise, c'est peut-être accepter d'entrer sur la pointe des pieds dans la conversation intérieure qu'il nous confie pour un moment ; et, après avoir glissé quelques mots dans cette conversation pour lui redonner sa vitalité, c'est sans doute aussi se retirer de cette conversation comme on y est entré : sur la pointe des pieds.

C'est à ce prix et à ce prix seulement que la médecine pourra devenir chaque jour davantage un service de l'humain plutôt que cette machine de normalisation sociale que souligne l'analyse sociologique. C'est au prix de cette écoute, qui n'a rien d'organique, bien qu'elle n'exclue pas le moins du monde a priori l'existence d'une altération de l'organisme, que le médecin peut remplir sa véritable fonction sociale qui est d'aider ses semblables à vivre le corps qu'ils sont en dépit des vicissitudes du corps qu'ils ont. Le médecin ne doit-il pas, en effet, remplir sa véritable fonction sociale qui est d'abord de ne pas nuire, c'est-à-dire de ne pas enrôler dans la maladie ceux qui n'ont pas à l'être, ensuite de diagnostiquer la maladie de ceux qui souffrent d'altérations organiques ou fonctionnelles et, enfin, de les aider à recouvrer la santé ?

*Jean-François Malherbe : http://www.trilogies.org/spip.php?article51
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Auteur : *Jean-François Malherbe :
http://www.trilogies.org/spip.php?article51
http://www.trilogies.org/spip.php?article50
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MessageSujet: Re: Pour que la crise soit féconde par Jean-François Malherbe   Pour que la crise soit féconde par Jean-François Malherbe Icon_minitimeMar 23 Oct - 17:45

COMPLEMENT SUR LA TRILOGIE ET J. F. MALHERBE

Trilogies en quelques mots

Qu’est-ce que le Monde ? Qu’est-ce que l’Homme ? Qu’est-ce que Dieu ? Ces trois interrogations ont, dès l’origine, travaillé l’esprit humain. Trilogies entend les revisiter et les re-lier à la lumière des grandes questions de notre temps. Dans un dialogue entre quêtes de sens contemporaines et traditions spirituelles. En contribuant à l’émergence de la nouvelle conscience et des nouveaux paradigmes dont l’humanité a urgemment besoin pour relever les défis majeurs auxquels elle est confrontée.

Jean-François Malherbe

Né à Bruxelles en 1950, Jean-François Malherbe est docteur en philosophie (Louvain, 1975) et en théologie (Paris, 1983). Il est actuellement directeur du Bureau de développement de l’éthique de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke au Québec. Il a publié de nombreux ouvrages d’éthique et de philosophie traduits en plusieurs langues. Notamment : Souffrir Dieu. La prédication de Maître Eckhart (Cerf, 1992), Mandalas (Fides, 2006), trois « essais d’éthique critique » chez Liber : Déjouer l’interdit de penser (2001), Les ruses de la violence dans les arts du soin (2003), Les crises de l’incertitude (2006). Ses intérêts actuels le portent à exhumer des profondeurs historiques de notre culture les racines de l’éthique la plus contemporaine.

http://www.trilogies.org/index.php


Transformer notre cosmos intérieur pour sauver la Terre


La solution à la crise écologique ne se situe pas dans un humanisme et une écologie de type horizontal. A ce niveau de conscience, on déplace plus les problèmes qu’on ne les résout vraiment. Le changement réel passe par un retournement radical, une mutation intérieure profonde. Nous avons à mourir à nous-mêmes, revêtir d’autres yeux et d’autres oreilles, acquérir une sensibilité ouverte à tous les registres du réel. Nous avons à recouvrer la nature dont l’Homme-Adam a été amoureusement tissé des mains divines. Par Annick de Souzenelle ... la suite (voir lien plus bas)

’Environnement : une perspective philosophique arabe et musulmane

L’écologie doit se déployer selon deux échelles de temps. Il y a des mesures à prendre dans le court terme et des politiques de redressement, voire de renaissance, à promouvoir sur les deux ou trois prochaines générations. C’est dans l’articulation entre ces deux temporalités que se situe la voie d’une sortie, relative, de la crise écologique. L’Education relative à l’Environnement, qui est différente de l’éducation à l’environnement, devrait constituer une composante majeure de la seconde temporalité. Elle vise en effet non seulement à travailler en profondeur la psyché humaine, mais à s’allier aux nouveaux paradigmes scientifiques qui déconstruisent la conception scientiste et mécaniste de la nature. Du point de vue de la pensée arabe et musulmane, il y a là une double occasion (l’écologie et la science contemporaine) rêvée pour contribuer à l’éclosion d’une modernité endogène, enfantée à partir de son propre humus culturel et sociétal. Par Mohammed Taleb. ... la suite (voir lien plus bas)

L'harmonie : l’écologie de la vie

Quelle est la contribution de la tradition du Bouddha à l’écologie contemporaine ? La compréhension et le vécu en profondeur de l’interdépendance et de la compassion, racines d’un changement nécessaire de mentalité. Les enseignements du Dharma rejoignent ici la nouvelle interprétation scientifique de la vie, qui remet en cause de façon décisive les paradigmes anciens selon lesquels l’univers serait un système mécaniste, le corps humain une machine, la vie en société une lutte compétitive pour exister, le progrès matérialiste sans limite et passant forcément par la croissance économique et technologique ainsi que par la domination de l’homme sur la femme. Par Lama Lhundroup. ... la suite (voir lien plus bas)

Vers une écospiritualité

La transformation de soi et le développement personnel ont-ils encore un sens à l’ombre d’une terre détruite et d’un cosmos désenchanté ; ne doivent-ils pas, pour atteindre leur plénitude, s’ouvrir à une prise en charge responsable du monde ? La mobilisation écocitoyenne, le souci éthique et les normes juridiques sont-ils suffisants pour générer les changements nécessaires à la survie de la planète ; ne doivent-ils pas s’ancrer dans une dimension plus intérieure, spirituelle, des choses ? Par Michel Maxime Egger. ... la suite (voir lien ci-dessous)


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